Mon poil se dresse. Des frissons me parcourent. Mon cœur bat. Je m’imagine à la place du pilote dans cet aéronef. Le temps d’un instant, je me rêve en Louis Blériot. L’avion qui décolle va-t-il tenir ? Vais-je franchir la Manche ? Vais-je y parvenir ? Vais-je m’écraser ? Quel beau paysage mon embarcation va-t-elle me faire découvrir ? À tire-d’aile…
À mes yeux, les pionniers, les vrais aventuriers, sont celles et ceux qui ont vécu toutes ces premières fois, les grandes découvertes géographiques, technologiques, scientifiques… Ce sont vraiment eux les derniers aventuriers. Ceux qui n’hésitaient pas à partir vers l’inconnu le plus total, jusqu’à l’engagement de leur propre vie par conviction, par envie de faire évoluer le monde. Respect !
Ce sont mes héros.
Ce sont mes héros. Ceux qui m’ont transporté au-delà de la porte de ma chambre d’enfant et qui m’ont fait grandir. Des aventuriers qui vous portent vers de multiples envies, vers des émotions, vers le rêve et l’imaginaire. C’est à eux que j’ai toujours voulu ressembler.
Ma vie est une juxtaposition d’aventures qui découlent toutes d’un grand saut vers l’inconnu que j’ai effectué il y a plusieurs années déjà. Des aventures, j’en ai vécu, petites ou grandes, comme descendre des rapides d’eaux vives en canoë-kayak ou des pentes enneigées vierges avec mes amis de la montagne, ou encore ma première traversée de l’atlantique en solitaire sur un bateau de 6,50 m.
Mais la grande aventure aura été de prendre une décision qui a transformé mon existence à jamais. Imaginez-vous, moi, jeune homme bien établi, dans une position professionnelle stable, qui m’offrait une belle visibilité : ingénieur dans la fonction publique. J’étais bien. J’avais choisi ma voie, sans la choisir vraiment, toute tracée, peut-être trop facile.
Puis, un jour, une envie, une rencontre. Un homme, un bateau. Yves Parlier m’engage à ses côtés sur Aquitaine Innovations pour un grand tour de l’Europe.
L’air du large m’a soufflé qu’il m’attendait et je suis parti. Je me suis élancé. Un grand saut vers l’inconnu, l’inconfort, le risque. Le prix d’une certaine liberté ?
Depuis, l’aventure ne m’a jamais quitté. Je suis devenu marin, skipper, chef d’entreprise, amoureux et père. J’ai eu des réussites et connu des échecs. Que de belles énergies ! L’aventure est une « exploration passionnée de l’inconnu », comme la définit Milan Kundera. Quand nous quittons le quai, que nous larguons les amarres vers un océan de liberté et de contraintes, nous éveillons l’imaginaire des femmes et des hommes qui nous suivent et nous encouragent.
Le marin devient celui qui est capable de s’élancer face à l’inconnu, face aux éléments : le vent et la mer, parfois hostiles, l’inconnu, les déferlantes qui vont coucher le bateau. Le froid qui va crevasser les mains pleines de sel. La coque minuscule qui le protège des tempêtes, des icebergs et autres OFNI (objets flottants non identifiés). Le marin, cet aventurier, capable de s’extirper de sa vie de terrien, de quitter sa famille, ses amours, son confort pour aller se faire secouer sur un bateau de 18,28 mètres de long pour à peine cinq de large. Un homme des temps moderne, source de rêves et de fantasmes ?
Le départ d’une grande course à la voile en solitaire, Vendée Globe ou Route du Rhum, procure autant d’émotions fortes, d’émulations auprès du public. Si des chemins de vie se construisent grâce à nous, les marins, qui partons simplement pour répondre à nos passions, à nos rêves et aux objectifs de nos partenaires qui nous soutiennent, alors je suis heureux.
Mais comment partager cette aventure ?
La communication via les réseaux sociaux, les médias, les messageries instantanées, les directs, où tout doit être sous contrôle ne correspondent pas à l’aventure où tout est inconnu et prise de décision instinctive pour la survie ou la performance sportive.
L’aventure est une entreprise comportant des difficultés, une entreprise extraordinaire et, surtout et avant tout une grande part d’inconnu ! Nos pudeurs, nos peurs, nos coups de mou, nos joies, nos extases… Des mystères à partager ou à préserver ? Direct ou différé ? Imaginaire ou impatience à satisfaire ?
L’équation est complexe. Qu’en pensez-vous ?
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