J’ai découvert l’univers de la voile à onze ans, lors de l’arrivée de la Route du Rhum 1990 à Pointe-à-Pitre. J’arpentais alors les pontons avec mon père. Dans toutes les passions, il y a un moment déclencheur. Pour moi, ça a été celui-là. Je me suis dit que je voulais faire comme tous ces marins. Je me suis inscrit dans un club et j’ai commencé à enchaîner les compétitions sur différents supports. J’ai la chance d’avoir pu mener de front une carrière dans la voile paralympique, avec quatre participations aux Jeux, puis une autre dans la course au large.
M’aligner au départ de mon premier Vendée Globe, c’est une aventure mais ce n’est pas un rêve de gosse. Ce n’est pas non plus un objectif que j’ai depuis très longtemps, même si c’est quelque chose qui me fait rêver et fantasmer car c’est l’une des épreuves les plus difficiles, toutes disciplines confondues. L’envie d’y participer m’est venue au fur et à mesure. J’ai commencé la course au large en Figaro et puis j’ai continué en Class 40. Après la Route du Rhum 2014, j’ai voulu évoluer. Le tour du monde s’imposait quasiment de lui-même dans cette continuité. L’idée a mûri tant sur le plan familial que professionnel. Nous faisons de l’IMOCA pour avoir un projet aussi ambitieux que celui-là. Après les Jeux de Rio, j’ai senti que c’était le bon moment et je me suis lancé. Honnêtement, je n’ai pas suivi toutes les éditions. Je me suis intéressé au premier Vendée Globe a posteriori, après la victoire, en 1990, de Titouan Lamazou dans la Route du Rhum dans la catégorie des monocoques. Je me souviens qu’alors, tout le monde parlait de son « doublé ». Du coup, je me suis intéressé à son palmarès et j’ai vu qu’il avait gagné le Vendée Globe juste avant. À l’époque, l’épreuve n’était pas aussi médiatisée que maintenant. Il y a, selon moi, quelqu’un qui l’a rendue plus médiatique : c’est Loïck Peyron, avec la manière qu’il a de communiquer et son sauvetage de Philippe Poupon, en 1989. C’est quelqu’un qui comme moi aime partager. En ce qui me concerne, même si j’ai toujours principalement fait de la course en solitaire, je ne l’ai jamais fait pour moi uniquement. J’ai toujours essayé d’embarquer le plus de monde possible dans l’aventure.
J’ai toujours essayé d’embarquer le plus de monde possible dans l’aventure.
Pour préparer et réussir au mieux ce Vendée Globe, j’ai réussi à m’entourer des bonnes personnes. J’attache beaucoup d’importance à l’état d’esprit, l’ambiance et la sérénité qui peuvent régner au sein d’un projet avant un événement. Je faisais pareil lors de mes préparations olympiques. Je me disais : « Ce n’est pas parce que ce sont les Jeux olympiques que je dois tout réinventer. Si tu es arrivé aux Jeux avec le niveau pour les gagner, c’est que tu as la bonne méthode, donc inutile d’en mettre en place une autre six mois avant. » Pour le Vendée Globe, je fais pareil. Je pars de ce même principe. Je peux certainement faire mieux, mais ce serait aussi jouer contre-nature. Je veux essayer de le vivre au quotidien et ce, de la meilleure des façons. J’ai bien conscience que ce n’est pas possible de tout maîtriser. Je veux en prendre plein les yeux et vivre les choses tout simplement comme un bizuth sur un Vendée Globe. J’ai envie de bien me préparer pour pouvoir faire la plus belle course possible et avoir le maximum de chances de la finir. Je m’attends à découvrir des choses que je n’ai jamais vécues. Il y aura bien sûr les passages symboliques comme les différents caps, car ce sont les choses que nous retenons du Vendée Globe. Et puis il y aura des milliards de choses qui feront que ce sera parfois sympa et parfois très compliqué, mais je n’ai pas envie de m’y projeter. La course au large permet de se découvrir toujours un peu plus et là, je vais probablement me prendre une bonne claque. Si j’ai la chance de le terminer, je pense que je ne serai plus le même homme.
Le défi
Tout nouveau projet dans une vie est un défi. Dans mon cas, il n’y a pas que la compétition en elle-même qui est un défi. Il y a aussi tout ce qui se passe en amont comme la recherche de sponsors, la préparation mentale et physique… Par exemple, si l’on prend une course comme le Vendée Globe, vouloir y participer est une chose, être au départ en est une autre. La terminer, c’est encore plus compliqué. Même chose pour les Jeux olympiques. Tout le monde n’y va pas. Il y a une sélection. Et puis une fois qu’on y est, il ne suffit pas de vouloir gagner et d’en avoir les moyens pour décrocher la médaille d’or. Il faut continuer à se donner à fond et passer outre la pression. C’est du mental et le défi est souvent là pour un sportif professionnel.
C’est du mental et le défi est souvent là pour un sportif professionnel.
Quand, en 2005, je n’obtiens pas l’autorisation de participer à la Solitaire du Figaro du fait de mon handicap (je suis né sans main gauche), j’ai eu beaucoup de mal à accepter cette décision. Cette période a été difficile à vivre pour moi car je ne comprenais pas pourquoi ça m’arrivait. J’avais l’impression qu’on me jugeait sur des préjugés plus que sur mes qualités de navigation, mais je n’avais pas envie de m’apitoyer sur mon sort. Je me suis donc dit que tout vient à point à qui sait attendre et qu’il fallait que je rebondisse. Comme je n’avais pas envie que d’autres vivent également cette expérience, j’ai profité de cette période pour créer l’association Des Pieds et Des Mains afin de soutenir les jeunes sportifs handivoile dans leur parcours et favoriser la mixité dans ce sport. Je n’ai pas pour autant abandonné l’idée de participer à la Solitaire du Figaro. Je me suis battu, j’ai prouvé aux organisateurs que j’en étais capable et, un an plus tard, je m’alignais au départ de la course. Je n’ai pas renoncé et mes efforts ont fini par payer. Pour moi, c’est ça le vrai défi : se fixer un objectif et mettre tout en œuvre pour l’atteindre. Y croire, être fort dans sa tête, se préparer et anticiper tout ce qui peut l’être.
Je suis le premier skipper handisport à prendre le départ du Vendée Globe. Aujourd’hui, mon rêve réside vraiment dans l’accomplissement de ce tour du monde. C’est un tout autre défi. C’est un challenge sportif et j’aimerais y associer une part de résultats. Ça, c’est le compétiteur qui parle. Après il y a d’autres objectifs… Être le premier skipper handisport à boucler un tour du monde serait une belle première. Je serais très fier d’être le premier à réaliser cela. Je fais donc en sorte aujourd’hui de préparer les choses au mieux pour pouvoir faire la plus belle course possible et avoir le maximum de chances de la finir.
L’envie de gagner
Je suis un compétiteur, il y a donc forcément chez moi une envie de résultats. Je me fixe toujours des objectifs sportifs mais je les garde en adéquation avec mon projet. C’est à l’image de tout ce que j’ai monté jusqu’à présent, que ce soit dans la course au large ou dans la voile paralympique. Il y a toujours eu me concernant une première phase avec une multiplication des compétitions pour découvrir le bateau, l’environnement, la concurrence…
Ensuite, j’enchaîne souvent sur des objectifs un peu plus élevés en termes de résultats en me donnant aussi les moyens d’y arriver. Je n’ai pas la prétention de gagner ce Vendée Globe 2020-2021 car je sais très bien que je n’en ai pas les moyens, tant sur le plan humain que sur le plan matériel. Mon bateau n’est pas équipé de foils et, en ce qui me concerne, j’ai beaucoup de choses à découvrir et à apprendre. Je vais naviguer dans des endroits où je ne suis jamais allé, aborder des systèmes météo que je n’ai jamais côtoyés. Tout cela va être intéressant et particulièrement enrichissant.
Pour l’instant, cette méthode a toujours fonctionné. Ce n’est pas un gage de garantie mais, si à l’issue du Vendée Globe j’ai envie d’enchaîner sur un second tour du monde, mes objectifs seront certainement revus à la hausse.
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