Du Vendée Globe à l'industrie, quels transferts de technologies ?
Au fil des années, les monocoques IMOCA sont devenus de véritables laboratoires de technologies. Pilote automatique, fibre optique, système de communication par satellites ou encore sécurité, les progrès sont partout et inspirent de plus en plus d’entreprises du milieu maritime.
Les innovations développées pour la course au large dans un but de performance rayonnent sur un marché plus large allant de la plaisance à la marine marchande. Zoom sur ces transferts de technologies.
Parmi les bateaux de retour du Vendée Globe, certaines équipes se concentrent uniquement sur les réparations tandis que d’autres réalisent une série de modifications en vue d’un gain de performance. Les nouvelles technologies utilisées sur les IMOCA sont nombreuses et avant-gardistes dans le milieu maritime. Les transferts entre ces progrès validés à l’échelle des prototypes et l’industrie grand public tendent à se développer de plus en plus.
Des échelles de temps en faveur de l'innovation
De la construction au bon fonctionnement d’un IMOCA, le processus est aujourd’hui très rapide. Les dernières années en attestent plus encore, puisque nous avons pu voir des constructions de bateaux de dernière génération débuter seulement un an et demi avant le départ du tour du monde en solitaire. « Aujourd’hui, nous sommes en mars 2021 et des IMOCA nouvelle génération navigueront déjà pour la Route du Rhum l’année prochaine, » nous explique Sébastien Guého, directeur technique de GSea Design, entreprise de calcul et de conception de structures. « En course au large, nous avons des échelles de temps d’innovation différentes de celles de l’industrie classique. Les développements faits ici permettent de progresser énormément car le timing des courses impose cette rapidité, » conclut-il.
Des technologies utiles dans l'industire
Les IMOCA, concentrés de technologies souvent pionnières, ont pu permettre la mise au point d’innovations pour d’autres industries. Ces dernières jouissent alors de plus en plus des résultats des expérimentations réalisées pour la course afin d’être eux aussi plus performant dans leur domaine. « Ce que nous apprenons en IMOCA et notre maitrise grandissante de l’environnement marin et des sollicitations rencontrées, nous permettent d’être beaucoup plus pertinents ensuite dans les réponses sur d’autres problématiques, » nous explique Sébastien Guého. « Tous les outils que nous avons pu développer pour la course et avec une précision très élevée, sont utilisés ensuite dans les études que nous conduisons sur d’autres projets, comme celui des chantiers de l’Atlantique par exemple. »
Des systèmes innovants pour l'économie d'énergie
L’énergie à bord est aussi un bon exemple de ces inventions transposables au grand public. En 2009, Yannick Bestaven, vainqueur du Vendée Globe 2020-21, a créé Watt & Sea, société de conception et de fabrication d’hydrogénérateurs. Son objectif était alors d’atteindre l’autonomie énergétique totale. Ces hélices sont aujourd’hui installés sur de nombreux bateaux de course, et désormais également sur des bateaux de croisière de série et ont révolutionné la question de l’énergie.
D’autres outils, développés pour la course au large, sont aujourd’hui utilisés par des navires de commerces ou de transports à passager. En s’inspirant des systèmes de routage utilisés par les coureurs, et notamment sur les IMOCA, ADRENA a développé des versions de leur logiciel destinées à la marine marchande et aux ferries qui économisent ainsi une grande quantité de carburant. Né d’une demande du projet de PlanetSolar de faire le tour du monde grâce à l’énergie solaire, ce logiciel est aujourd’hui utilisé par quasiment l’ensemble de la flotte de la Brittany Ferries, et équipe également de nombreux navires CMA CGM ou de la Compagnie du Ponant. « L’objectif initial est d’économiser de l’énergie et nous nous sommes aperçus que le fait de sécuriser l’heure d’arrivée était la clé. Avant, leur seule solution était de partir très rapidement, de prendre de l’avance et de ralentir au dernier moment lorsqu’ils avaient un laps de temps suffisant devant eux. Aujourd’hui, les logiciels leur permettent de faire des parcours beaucoup plus subtiles et d'économiser du carburant et de polluer moins, » nous explique Michel Rodet, inventeur du système ADRENA. « De façon générale, nous avons dans la course au large des technologies assez élaborées, notamment sur le plan des logiciels. Nous avons constaté que marine marchande avait du retard puisqu’ils ne pouvaient pas anticiper les phénomènes naturels sur leur parcours. Aussi, ces technologies qui nous paraissent basiques dans la voile, étaient finalement un gros plus pour eux. »
Des technologies pour le bien commun
Actuellement en construction à Saint-Nazaire, un cargo à voile pour transporter le lanceur Ariane 6 pour le centre spatial de Kourou en Guyane sortira de chantier fin 2022. Développé par le cabinet d’architecture navale VPLP Design, très présent en IMOCA notamment, ce cargo s’inspire d’évolutions nées en course au large. Encore à l’essai pour l’aérospatial, ces bateaux innovants font objet de nombreuses discussions quant à leur utilisation et pourraient bientôt servir à un public plus large.
D’autres technologies servent au plus grand nombre et pas seulement dans le milieu maritime. Le ePenon (penon électronique), développé par Dimitri Voisin au sein de la structure MerAgitée, est aujourd’hui installé sur les pales d’éoliennes. « Les penons étaient d’abord destinés aux bateaux à voile, puis nous nous sommes tournés vers l’éolien, » nous explique-t-il. « Entre les tests de matériaux, d’électronique, d’algorithme, nombreuses sont les choses à puiser dans la course au large. Faire des penons pour faire avancer des bateaux de course plus vite, c’est bien, et si cela peut aussi améliorer le rendement des éoliennes pour que nous puissions tous avoir de l’électricité verte moins chère, c’est encore mieux. »
Les technologies développées sur les IMOCA sont donc aujourd’hui transférées vers de nombreux domaines d’application, mais si des innovations dédiées au grand public servaient également le milieu ? Sur la neuvième édition du Vendée Globe, huit marins ont embarqué une aile de kite. Développée par Yves Parlier qui avait démâté sur ce tour du monde en 2000, cette aile baptisée Liberty Kite permet de tracter le bateau en cas de perte du gréement. Un système ingénieux quand on sait les risques que l’épreuve présente.
Marie Launay / IMOCA
Film "Transferts de technologies entre l'IMOCA et le monde maritime"
© Ronan Gladu et Martin Viezzer / IMOCA
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