Règle de la « Voile Verte IMOCA » : Un succès qui appelle à aller plus loin
Appliquée en janvier 2023, la première version de la règle de la « Voile Verte IMOCA » a déjà fait ses preuves en matière de réduction d’impact. Elle est désormais sur le point d’être élargie et rendue plus stricte.
Cette règle votée en 2021 – à l’initiative des skippers du Comité Sportif de l’IMOCA et notamment Paul Meilhat et Boris Herrmann – pour une mise en application en 2023 impose aux équipes IMOCA d’avoir une « Voile Verte » parmi les huit voiles autorisées à bord en course. Cela s’applique dès qu’elles commandent de nouvelles voiles. Cette voile est déclarée « Verte » si le fabriquant a respecté un système de notation conçu pour minimiser les émissions de CO2. Les six principales voileries travaillant avec l’IMOCA ont signé cette règle et répondent aux critères.
La règle récompense les voileries qui limitent l'utilisation d'énergie non issues de sources renouvelables, qui réduisent drastiquement l'utilisation du transport aérien entre l'acquisition des matières premières et la fabrication et diminuent la quantité de déchets qu'elles produisent durant le processus de fabrication de la voile.
Neuf mois seulement après son application, la règle de la « Voile Verte IMOCA » a déjà permis de réduire 30% des émissions de CO2 pour chaque kilo de voile finie produite dans le cadre de ces restrictions.
L'objectif est maintenant d'étendre la règle et de la rendre plus stricte, comme l'explique Imogen Dinham-Price, co-responsable du développement durable à l’IMOCA : « Depuis janvier, nous discutons très régulièrement avec les voileries pour voir comment faire évoluer la règle et comment celle-ci pourrait s’appliquer à la production à proprement parler des voiles. Nous réfléchissons donc à l’élaboration d’un cap carbone pour la « Voile Verte IMOCA ». »
« L’audit réalisé nous a fourni un niveau constant d'informations, de sorte que nous savons comment mesurer les émissions de CO2, »explique-t-elle. « La mise en place d’un cap nécessite pour certaines voileries des adaptations. Aussi, nous avons choisi de lancer une phase de test durant l’hiver 2023-24 en mettant en place un premier cap concernant deux paramètres : le transport et l’énergie. L’objectif est de voir si les voileries sont déjà en mesure de suivre le seuil fixé et établir ainsi un cap viable pour le début de l’année 2024. »
Parallèlement à ce plafond CO2, la règle pourrait aussi s’étendre à plus d’une voile imposée à bord en course et l’ambition pourrait aller aussi jusqu’à l’élimination total du transport aérien pour acheminer la commande aux équipes.
La mise en œuvre de cette règle n’a pas toujours été un long fleuve tranquille car elle nécessite l’adhésion de plusieurs voileries professionnelles et très compétitives. Cependant, il apparaît clairement que toutes soutiennent pleinement la règle telle qu'elle existe et sont également favorables à son évolution vers un cadre totalement inédit dans le domaine.
« Nous soutenons pleinement les mesures prises par l'IMOCA et la manière dont la Classe s'y prend », affirme Jono Macbeth, responsable du développement durable chez North Sails, le plus grand fournisseur de voiles de la flotte IMOCA. « Je pense que c'est une bonne chose que nous ayons cette transparence et que toutes les voileries puissent s'asseoir autour d'une table, physiquement ou virtuellement. Le plus important, c'est que nous puissions discuter tous ensemble de ces sujets et des améliorations que nous aimerions voir apporter à la règle à l’avenir. »
Chez All Purpose, le co-gérant Matthieu Souben est du même avis. « L'IMOCA a été pionnière dans la proposition d’une règle assez ambitieuse et nous sommes très heureux d’avoir participer à cette réflexion », confie-t-il à la Classe. « J'ai toujours été convaincu que les utilisateurs devaient être les agents du changement, car les industries répondent toujours à la demande. »
« Nous avons donc été ravis de voir la règle de la « Voile Verte » se concrétiser et il est vrai que sa mise en place a parfois pu être compliquée », ajoute-t-il. « L'idée est assez simple, mais il n'a pas été facile de la mettre en œuvre et de déterminer les critères à appliquer. Il y a eu beaucoup de travail réalisé et tous les acteurs ont été impliqués, les voileries comme l’IMOCA, et aujourd’hui nous avons une règle qui fonctionne ».
Incidence Sails, autre voilerie majeure, a non seulement accueilli favorablement la règle, mais soutient également l'idée d’un cap carbone. « À l'avenir, nous aimerions beaucoup que cette règle soit plus pragmatique en termes de CO2 émis par la production des voiles » explique Pierre-Antoine Morvan, responsable course au large et super yacht de l’entreprise. « Nous pourrions, par exemple, imaginer un budget carbone pour un jeu de voiles ou pour une campagne Vendée Globe, imposant une limite aux émissions. C’est génial de voir toutes les voileries aussi impliquées autour du sujet de la réduction d’impact - il fallait commencer par-là, avant de passer à une version plus ambitieuse. »
Il est intéressant de noter que la stratégie de ces entreprises va dans le sens de la fabrication de « Voiles Vertes » en ce qui concerne l'acquisition des matières premières, la politique de transport et les méthodes de fabrication. C'est parce que des classes comme l'IMOCA l'exigent, mais aussi de plus en plus de clients privés, dans un monde où nous voulons tous de plus en plus savoir comment un produit est sourcé, créé et livré.
Voici le point de vue de Matthieu Souben sur la manière dont ce processus de changement va modifier la donne pour l'ensemble du secteur. « Aujourd'hui, la règle de la « Voile Verte IMOCA » n'est pas encore suffisamment restrictive pour imposer des changements dans nos processus globaux », déclare-t-il. « Mais dès qu’elle le sera, nous ferons en sorte de l'appliquer à toutes nos voiles, afin que cela devienne la référence. »
Si le coût du transport est, sans aucun doute, amené à augmenter, l'impact le plus important se fera sentir sur les délais de livraison, comme l'explique Jono Macbeth. « Le délai de livraison augmentera indéniablement et c'est quelque chose d’incontournable », explique-t-il. « Il s’agit donc d'un exercice de planification pour les clients : les voiles devront être commandées plus longtemps à l'avance pour tenir compte de l'allongement du délai de livraison. »
Autre domaine qui permet des gains importants, les déchets peuvent représenter, en moyenne, jusqu’à six fois le volume de la voile produite. C’est pourquoi les voileries se concentrent sur cet aspect de la règle qui oblige limiter beaucoup ces derniers. « Les déchets sont un sujet sur lequel nous nous penchons constamment », déclare Jono Macbeth. « Cela a des implications environnementales et financières car les entreprises ne veulent pas produire des déchets en grande quantité parce que cela n’est pas efficace en termes d’optimisation des ressources dont vous avez besoin dans votre activité. Nous travaillons sur tous ces aspects et je pense que les leçons tirées de la règle de la « Voile Verte » pourront être appliquées à tous les aspects de la fabrication des voiles, que ce soit pour l'IMOCA ou pour toute autre classe. »
La règle de la « Voile verte IMOCA » est unique dans le monde de la course au large. Il s'agit d'une initiative pionnière et médiatisée qui contribue à faire évoluer les choses en profondeur. Imogen Dinham-Price se réjouit de voir les progrès réalisés tout au long de cette année et de développer la première évolution de cette règle. « J'aime à penser que nous contribuons à montrer la marche à suivre et le fait que notre règle soit parvenue à réunir toutes les voileries majeures est très significatif et très gratifiant. »
Ed Gorman (traduit de l’anglais)
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