Abby Ehler nous debriefe l'étape du Grand Sud
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Dans une interview donnée à l'IMOCA depuis Cape Town, la Britannique Abby Ehler avouait ne pas toujours avoir voulu embarquer sur la 'Leg 3' de The Ocean Race, celle du Grand Sud, mais que avoir naviguer sur la première étape au départ d'Alicante mi-janvier l'avait fait changer d'avis.
La navigatrice de 46 ans soulignait même le rôle essentiel qu’avait joué sa famille en la poussant à reconnaître que, pour elle, boucler sa quatrième Ocean Race n’aurait pas de sens sans courir cette fameuse étape de 12 750 milles entre l'Afrique du Sud et Itajaí au Brésil. Aujourd’hui, plus de deux semaines après avoir remis le pied à terre, nous avons repris contacte pour avoir son retour d’expérience.
Abby, cette troisième étape était-elle aussi difficile que tu l'imaginais ?
"Et bien, cela aurait pu être bien pire en termes de conditions météo. Nous n’avons pas navigué dans les mers du sud avec les dépressions, la mer formée et le vent glacial qui les caractérisent habituellement. Nous étions en quelques sortes reconnaissants durant les deux premières semaines de course. Puis, nous avons eu une semaine de pause, sans vent, ce qui nous a permis de vérifier l’état du bateau, de nous reposer, et d’avoir à nouveau un semblant de quotidien normal à bord. Donc cela jusqu’à l’approche du Cap Horn. Puis, vers l’arrivée, nous avons touché une dépression et avons dû faire face à quelques soucis techniques, là, c’était vraiment difficile."
© Julien Champolion | polaRYSE | Holcim-PRB
Dans quel état de fatigue étais-tu à l’arrivée ?
"Je pense que ce n'est qu'une fois à terre que j'ai réalisé à quel point nous étions tous épuisés. Cela se voyait sur nos visages et dans nos yeux. Je ne pense pas avoir réalisé pendant l’étape à quel point cela nous poussait dans nos retranchements. Bien sûr, nous ne pouvions pas faire de nuit complète et les seuls moments de repos que nous avions n’étaient pas qualitatifs car ils étaient rythmés par les plantés du bateau, les échanges entre les co-équipiers, les mouvements des winches… Je pense que sur 35 jours, cela s'accumule et vous n'en êtes pas vraiment conscient. Vous ne pouvez pas sortir de votre corps et regarder en arrière pour vous rendre compte de ce qu’il se passe, parce que vous ne faites que pousser et prendre sur vous pour continuer à avancer."
© Julien Champolion | polaRYSE | Holcim-PRB
Avant de partir, vous pensiez que l’expérience de l’équipage en IMOCA serait bien plus difficile qu’en VO65. Qu’en est-il maintenant ?
"Oui, je pense que c'est pire en IMOCA. Cela surprend beaucoup de gens qui disent "vous êtes à l’intérieur, vous n'êtes pas exposés aux éléments". Mais pour être honnête, les mouvements du bateau sont brutaux et très violents comparé à ceux des VO65, que je vois maintenant comme un bateau doté d’amortis. Avec les VO65, vous savez que le bateau surfe sur une vague, puis il ralentit progressivement avant de repartir. C'est presque comme si vous pouviez sentir le bateau, et vous n'avez pas besoin de vous accrocher tout le temps car l'impact est beaucoup moins fort.
Sur l'IMOCA, lorsque vous avez au dessus de 14 nœuds de vent, le bateau file à plus de 20 nœuds et c'est comme si vous étiez sur un semi-rigide qui tapait continuellement sur les vagues. Il faut s’accrocher pour éviter le risque d’être projeté et de se blesser. Lorsque nous sommes arrivés au Brésil, nous avons vérifié notre poids et notre masse musculaire. Je n'avais pas perdu beaucoup de masse musculaire, ce à quoi on ne s’attendait pas sur une étape où l'on est assis tout le temps. Mais je pense que cela montre simplement le niveau de tension permanent à bord et du défi physique que cela représente."
© Julien Champolion | polaRYSE | Holcim-PRB
Quel est ton pire moment ?
"Je dirais les trois derniers jours. Nous étions dans un système de basse pression, nous avions de gros grains et c'est là que nous avons eu un problème de pilote automatique et que le bateau est parti au tas. Nous n’avions plus beaucoup d’énergie physique, et mentalement, à ce stade, ça devenait difficile car la ligne d’arrivée paraissait si proche. Quand on prend un tel coup, on a l'impression qu'il faut vraiment aller au bout de soi-même pour réparer et se remettre rapidement sur pied. Le fait que nous ayons été distancés par Team Malizia et que nous n'ayons pas pu regagner nos milles perdus a été un coup dur."
© Julien Champolion | polaRYSE | Holcim-PRB
L'équipe Holcim-PRB n'a perdu qu'un seul point jusqu'à présent. C'est un superbe début de course pour votre équipe. Quel est le secret de cette réussite ?
"Je pense que c'est une combinaison de plusieurs éléments. Il est certain que le bateau est une arme. Il est nouveau et oui, il n'a pas encore été totalement éprouvé, mais il a tellement de potentiel. Il n'en est qu'au début de son voyage. Kevin fait aussi partie de ces éléments… Il est tellement enthousiaste et il a tellement d'énergie. Si j'avais un dixième de son énergie, je serais heureuse. Et le fait de pouvoir maintenir ce niveau d'intensité se répercute sur l'équipe - les marins et l'équipe à terre - et c'est ce qui fait avancer le projet dans la bonne direction.
Je pense aussi que Kevin s'est entouré de super personnes. L'équipe qu'il a constituée pour les premières étapes était vraiment bien équilibrée en termes de compétences et de personnalités, avec l'arrivée de Tom Laperche, le calme de Sam Goodchild et mes compétences techniques. Cela a très bien fonctionné. C'est donc une combinaison de facteurs, mais en fin de compte, Kevin est un leader et avec son niveau d'enthousiasme, d'intensité et de passion, qu’il est difficile de ne pas le suivre et de ne pas faire partie de ce voyage."
Merci Abby.
Abby rejoindra Holcim-PRB pour l'étape 5, de Newport à Aarhus.
Ed Gorman
Info Teams
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